Publié le : 15/09/2016 par Hélène WEYDERT

Surveillance des salariés

Un salarié est licencié avec effet immédiat pour faute grave consistant en l’usage abusif d’internet à des fins privés (jeux en ligne et consultation de sites de ventes de voiture).  

 

L’employeur 

L’employeur soutient ce qui suit: 

– Interdiction formelle d’utiliser internet pour tous les salariés, 

– Blocage technique de l’accès à internet (pourtant déjoué par le salarié licencié), 

– Usage dissimulé, non autorisé, régulier et répété d’internet par le salarié licencié,

Preuve de l’usage abusif d’internet rapportée par captures d’écrans (et par témoins), et 

– Emails et autres données du salarié licencié non surveillés par l’employeur (donc proportionnalité de la mesure de surveillance, selon l’employeur).

Le salarié 

Le salarié, quant à lui, conteste la légalité de la surveillance. 

 

La surveillance et la loi 

Une définition de la surveillance des salariés sur leur lieu de travail est donnée par la loi modifiée du 2/08/2002 relative à la protection des données (article 2): 

« Surveillance » : toute activité qui, opérée au moyen d’instruments techniques, consiste en l’observation, la collecte ou l’enregistrement de manière non occasionnelle des données à caractère personnel d’une ou de plusieurs personnes, relatives à des comportements, des mouvements, des communications ou à l’utilisation d’appareils électroniques et informatisés. 

Cette surveillance peut être mise en oeuvre dans certains cas énumérés par le Code du travail:

Article L. 261-1 Code du travail: 

Le traitement des données à caractère personnel à des fins de surveillance sur le lieu de travail peut être mis en œuvre […] par l’employeur s’il en est le responsable. 

Un tel traitement n’est possible que s’il est nécessaire : 

•1. pour les besoins de sécurité et de santé des salariés, ou 

•2. pour les besoins de protection des biens de l’entreprise, ou 

•3. pour le contrôle du processus de production portant uniquement sur les machines, ou 

•4. pour le contrôle temporaire de production ou des prestations du salarié, lorsqu’une telle mesure est le seul moyen pour déterminer le salaire exact, ou 

•5. dans le cadre d’une organisation de travail selon l’horaire mobile conformément au présent code. 

•[…] 

Le consentement de la personne concernée ne rend pas légitime le traitement mis en œuvre par l’employeur. 

 

Qu’est-ce qu’une capture d’écran?

Les juges se sont prononcés sur la qualification juridique de la capture d’écran (pour ensuite déterminer si la preuve par capture d’écran est valable). 

  • Capture d’écran

“La capture d’écran constitue une copie de l’image affichée sur un ordinateur. L’ordinateur visé est identifié par l’employeur et, les contrôles étant effectués durant les après-midi où [le salarié visé] occupe seul le bureau, l’usage peut être relié au salarié individualisé.” 

“La méthode utilisée permet à l’employeur de connaître le contenu de l’affichage sur l’écran et de suivre l’activité du salarié sur l’ordinateur. » 

“La capture d’écran fournit à l’employeur des informations sur un salarié identifié ou identifiable, permet de collecter et d’enregistrer des données à caractère personnel et constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des données.” 

“Cette activité déployée par l’employeur sur le lieu de travail, avec l’usage de moyens techniques, en vue de détecter des mouvements, des images, des paroles ou des écrits ou l’état d’une personne, constitue un traitement de données à caractère personnel à des fins de surveillance, qui n’est possible que s’il est nécessaire pour l’une des finalités définies à l’article L. 261-1 du code du travail.” 

 

Cependant, comme la capture d’écran ne répondait pas aux buts de la loi, notamment ceux énoncés dans le Code du travail, et qu’en outre, elle n’était pas utile pour mettre fin à l’activité du salarié sur internet, elle est intervenue en violation de la loi et ne peut pas être utilisée comme moyen de preuve à l’appui d’un licenciement. 

Par ailleurs, poursuivent les juges, les déclarations écrites ou verbales des témoins n’établissent pas “un usage fréquent, régulier, prolongé d’internet”, ni “que le salarié ait procédé lui-même à la création d’un accès« . 

 

Conclusion

Les faits reprochés sont de nature à justifier le licenciement avec effet immédiat mais la preuve licite de ces faits n’est pas rapportée : le licenciement est abusif. 

 

Cour d’appel 4 juillet 2016

 

A suivre:

1. Transfert de données personnelles vers les USA: nouveau système depuis le 12/07/2016 (le Safe Harbour ayant été invalidé suivant CJUE du 6/10/2015 Schrems).

2. Un projet de loi (PL 7049) modifiant la loi modifiée du 2/08/2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel (l’autorisation préalable de la CNPD sera remplacée par un contrôle a posteriori) a été déposé le 31 août 2016. 

3. Le règlement de l’Union européenne sur la protection des données entrera en vigueur le 25 mai 2018. 

 

 



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