Indemnité de départ et pension : cumul ?
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), dans une décision du 19 avril 2016, doit examiner s’il est possible pour un salarié de réclamer une indemnité de départ légale, tout en bénéficiant d’une pension.
Au Danemark, un salarié est licencié à 60 ans, après une ancienneté importante, et se voit refuser le paiement d’une indemnité de départ légale au motif que la loi exclut un tel paiement si ledit salarié peut percevoir, au moment de son départ, une pension de retraite.
Au Luxembourg, des dispositions similaires s’appliquent :
« Le salarié licencié par l’employeur, sans que ce dernier y soit autorisé, a droit à une indemnité de départ après une ancienneté de services continus de cinq années au moins auprès du même employeur, lorsqu’il ne peut faire valoir des droits à une pension de vieillesse normale; » (Article L.124-7 du code du travail).
Devant la CJUE, le salarié danois conteste le refus, sur base de la directive 2000/78. Ce interdisant toute discrimination, notamment à raison de l’âge.
La question posée à la CJUE est celle de savoir si un salarié peut invoquer le principe de non discrimination de la directive directement à l’encontre de son employeur alors que celui-ci respecte partout la loi nationale…
La CJUE rappelle que ce principe de non discrimination est un principe général du droit de l’Union consacré dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union, la directive 2000/78/CE en réglant la mise en œuvre concrète.
La CJUE en déduit qu’un salarié peut exiger directement de son employeur (qui n’est qu’une personne physique ou morale privée) qu’il écarte l’application d’une loi nationale qui contreviendrait au principe de non discrimination à raison de l’âge posé par la directive 2000/78/CE.
La seconde question posée à la CJUE est celle de savoir s’il faut privilégier les intérêts du salarié ou ceux de l’employeur, celui-ci se retrouvant dans une situation d’insécurité juridique, puisqu’il ne peut éventuellement pas (ou plus) se fier à une loi nationale claire et constante.
Enfin, la question de la responsabilité de l’Etat n’ayant pas correctement transposé en droit national la directive de l’Union se pose.
La CJUE rappelle le rôle des juridictions nationales (qui sont une émanation de l’Etat) : elles doivent autant que possible, (1) interpréter le droit national à la lumière du droit de l’Union et, quand c’est impossible, (2) écarter l’application d’une loi nationale contrevenant au droit de l’Union, voire, le cas échant, (3) opérer un revirement de jurisprudence.
La CJUE souligne que les juridictions nationales ne peuvent arguer d’un principe de sécurité juridique de l’employeur (loi claire et jurisprudence constante), ou d’un recours possible du salarié contre l’Etat défaillant, pour continuer à appliquer une règle nationale incompatible avec le principe de non discrimination à raison de l’âge.
Conclusion
Au Luxembourg, si un salarié licencié se voit refuser le paiement d’une indemnité de départ légale sur base de l’article L. 124-7 (1) du code du travail au motif qu’il a droit à une pension de vieillesse normale (donc à 65 ans), il n’est pas exclu qu’il réclame néanmoins le paiement de l’indemnité de départ légale à son employeur sur base de l’arrêt de la CJUE du 19 avril 2016 et du principe de non discrimination à raison de l’âge consacré en droit national par les articles L. 251-1 s. du code du travail.
De même, sans que ce cas spécifique ait été toisé par la CJUE, le salarié bénéficiant d’une indemnité de préretraite n’a pas droit au paiement d’une indemnité de départ légale (art. L. 124-7 (5) du code du travail).
Au Luxembourg, il existe une réelle probabilité qu’un juge doive écarter l’application des dispositions de l’article L.124-7 du code du travail non conformes à la directive, si un salarié licencié réclame le paiement de son indemnité de départ, tout en bénéficiant d’une pension de vieillesse légale.
CJUE, 19 avril 2016