Sex, Drugs & Rock n’ Roll – partie 2 (drugs)
La drogue et le travail
Le fait, pour un salarié ayant dix ans d’ancienneté, d’être surpris par des collègues de travail en train de fumer du cannabis en cachette pendant ses heures de travail est susceptible de constituer une faute grave, qui rend immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, spécialement si le salarié est responsable d’une équipe et est amené à manipuler des engins à moteur (tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, 15 décembre 2008, n°2705/08).
Dans l’appréciation des faits reprochés au salarié, les juges tiennent notamment compte du degré d’instruction, des antécédents professionnels et de la situation sociale du salarié, encore faut-il que l’employeur ait rapporté la preuve des faits reprochés au salarié licencié.
La preuve
Si l’employeur peut licencier un salarié au motif que ce dernier « se droguait régulièrement, du moins pendant la période du 25 octobre au 25 novembre [au point] qu’il était alors incapable d’accomplir son travail correctement », il doit cependant en rapporter la preuve, qui fait défaut lorsque les témoins entendus ont tous déclaré n’avoir jamais vu le salarié se droguer, ni même se trouver dans un état tel qu’il ne pouvait plus accomplir son travail : le licenciement est donc déclaré abusif (tribunal du travail de et à Luxembourg, 9 mai 1996, n°2166/96).
Les juges peuvent décider d’accorder plus de crédit aux témoins ayant assisté aux faits qui se sont produits dans l’enceinte du lieu de travail qu’à ceux qui font par exemple partie de l’entourage proche de la personne licenciée (tribunal du travail de et à Luxembourg, 30 mai 2006, n°2426/06).
Le licenciement avec effet immédiat du salarié dont le taux d’alcoolémie dans le sang dépassait largement le taux autorisé, ce qui est prouvé d’après les tests effectués, et qui a causé un accident de la circulation, est justifié, d’autant plus que le chauffeur s’est fait saisir son permis de conduire et que celui-ci constitue « un élément essentiel dans les relations de travail entre les parties » (tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, 26 octobre 2009, n°2166/09).
En revanche, les faits, même précis, réels et graves, invoqués pour la première fois par l’employeur devant les juges, sont tardifs et écartés des débats. Le fait, par exemple, qu’un salarié conduise la camionnette de l’entreprise le matin de son licenciement, malgré l’interdiction de conduire qui lui avait été faite la veille au soir par les agents de police lors de son interpellation pour conduite sous influence de stupéfiants, est irrecevable pour ne pas figurer dans la lettre de licenciement pour faute grave (Cour d’appel, 10 janvier 2008, n°32530).
Quand la vie privée fait irruption au travail
Les juges, que ce soit en matière de consommation d’alcool ou de stupéfiants sur le lieu de travail, exigent que l’employeur apprécie la faute reprochée in concreto : « la consommation d’alcool sur le lieu de travail ne constitue une faute grave que dans certaines circonstances données appréciées au cas par cas » (Cour d’appel, 17 novembre 2011, n°37282).
L’employeur doit donc, notamment, préciser et tenir compte de la fréquence de la consommation, les quantités ingérées, les conséquences sur le travail, les risques encourus. En l’occurrence, en l’absence de toute autre précision, comme par exemple celle d’un quelconque dommage pour l’employeur, les clients ou les autres salariés, la consommation d’une bière à 9 heures du matin ne justifie pas un licenciement avec effet immédiat (Cour d’appel, 17 novembre 2011, n°37282).
De même, « s’il est vrai que des faits de la vie privée du salarié, tels que la consommation de stupéfiants, peuvent ébranler la confiance de l’employeur dans ce dernier, celui-ci ne peut toutefois les invoquer pour justifier son licenciement qu’à condition d’en établir une incidence directe sur l’exercice de ses fonctions par le salarié ou du moins des circonstances concrètes de nature à faire présumer que ce dernier constitue un grave risque de sécurité pour l’entreprise et ses salariés » (Cour d’appel, 10 janvier 2008, n°32530).
Selon les juges, l’employeur doit « indiquer un quelconque élément concret permettant de présumer que [le salarié] se soit effectivement trouvé à une date précise sous l’influence de stupéfiants dans l’exercice de ses fonctions et qu’il constitue partant un risque sérieux pour la sécurité des autres salariés de l’entreprise » (Cour d’appel, 10 janvier 2008, n°32530). A défaut, le licenciement est abusif.
Une salariée est arrêtée sur son lieu de travail par la brigade des stupéfiants et aussitôt placée en détention préventive. L’employeur, même en supposant qu’il en ait été immédiatement informé, « ne pouvait cependant pas connaître la durée de la détention de [la salariée] suite à des faits qu’il devait supposer assez graves pour avoir justifié une arrestation sur le lieu de travail, et était en droit de licencier la salariée au bout de trois jours d’absence » (Cour d’appel, 21 juin 2001, n°24733).
Un salarié a menti lors de son entretien d’embauche auprès d’une bijouterie : « le simple silence gardé par le salarié lors de la conclusion du contrat de travail sur des faits, même relatifs à sa vie privée, mais ayant une incidence sur son activité professionnelle » peut justifier l’annulation du contrat de travail, si le silence portait sur un élément déterminant du consentement de l’employeur (Cour d’appel, 18 novembre 2004, n°28235).
En l’espèce, l’employeur avait demandé à faire préciser une lacune dans le CV du candidat, qui avait répondu avoir travaillé dans le secteur immobilier pour sa famille alors qu’il avait, en fait, été incarcéré pendant plusieurs années pour trafic de stupéfiants. L’employeur, qui en a connaissance un an après l’avoir embauché, licencie alors aussitôt le salarié avec préavis et invoque en outre la nullité du contrat, le consentement de l’employeur ayant été vicié. La Cour donne raison à l’employeur après avoir relevé notamment qu’il s’agit du secteur particulièrement sensible de la bijouterie et que les faits reprochés sont graves, compte-tenu de la durée et de l’exécution de la peine prononcée.
Proportionnalité – ou impunité après une certaine ancienneté ?
Si un employé se rend deux jours de suite en retard sur son lieu de travail et que son employeur reste en défaut de rapporter la preuve de la cause supposée du retard (l’état d’ébriété), son licenciement ne saurait être justifié après trente ans de service auprès du même employeur, même si le retard est de quelques heures (tribunal du travail de Luxembourg, 13 décembre 2005, n°5146/05).
L’employeur n’est pas, non plus, admis à prouver l’état d’ébriété d’un salarié à la longue ancienneté (les retards fréquents, les nombreuses situations où le salarié était ivre, la cure de désintoxication non achevée et le fait que la situation était connue de l’ensemble des salariés) : ces faits ne répondent pas au critère de gravité requis pour justifier un licenciement avec effet immédiat après 30 ans de service auprès du même employeur (Cour d’appel, 15 février 2007, n°30927).
Rôle des collègues et sanctions pénales
Le Code du travail impose à tous les salariés l’obligation de veiller à sa propre sécurité, voire à celle d’autrui : « iI incombe à chaque travailleur de prendre soin, selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes … Les travailleurs doivent en particulier … signaler immédiatement à l’employeur… toute situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et immédiat pour la sécurité et la santé » (art. L. 313-1. Code du travail).
Les juges l’ont rappelé récemment : méconnaître les dispositions légales précitées constitue une infraction pénale correctionnelle punie d’une amende de 251 à 3.000 euros (Cour d’appel, chambre du conseil, 16 novembre 2010, n°826/10).
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