Publié le : 23/06/2012 par Hélène WEYDERT

Sex, Drugs & Rock n’ Roll – partie 3 (rock n’ roll)

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Sex, Drugs & Rock N’ Roll – partie 3

Réseaux sociaux et travail

Un salarié dépose une requête en licenciement abusif devant le tribunal du travail de Luxembourg, un autre salarié devant celui d’Esch-sur-Alzette. Dans les deux cas, l’employeur considère que le licenciement est justifié, étant donné que le salarié aurait eu des propos injurieux visant son employeur sur le célèbre réseau social Facebook, détruisant ainsi la relation de confiance ayant existé entre les parties.

Facebook : « les amis de mes amis sont mes amis » ? 

Dans le premier cas, un jeune apprenti peintre avait tenu des propos désobligeants concernant son employeur sur Facebook, propos qui pouvaient être librement consultés par tous.

L’employeur soutenait que cela justifiait la dénonciation du contrat d’apprentissage. L’employeur n’avait en l’occurrence pas pris de sanction contre son apprenti, mais s’était plaint du comportement de ce dernier auprès des Chambres professionnelles compétentes qui, elles, avaient pris l’initiative de la rupture, motif pris du devoir de fidélité et de respect dû au patron.

L’apprenti, quant à lui, invoquait tour à tour les arguments suivants : le langage qu’il avait utilisé correspondrait à celui des jeunes de son âge, et n’aurait donc pas le caractère de gravité invoqué par l’employeur ; ses propos auraient été écrits sous le coup de la colère suite à la remarque de l’employeur qu’il fumait beaucoup ; quelqu’un d’autre aurait pu faire ces commentaires à sa place, en son nom, et un collègue aurait d’ailleurs pu le faire en subtilisant son portable.

Dans cette affaire, tout en synthétisant les arguments des parties, le tribunal du travail de et à Luxembourg, dans son jugement du 21 février 2011 relève, qu’en l’espèce, ce sont les Chambres professionnelles compétentes, et non pas l’employeur, qui ont (valablement) résilié le contrat d’apprentissage. La demande de l’apprenti, en ce qu’elle est dirigée contre son ancien employeur, qui n’est pas l’auteur de la résiliation, n’est donc pas fondée.

Quand vie privée et monde du travail se rencontrent… 

Dans la seconde affaire, devant le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, un ouvrier communal avait été licencié avec préavis pour avoir tenu des propos qualifiés par l’employeur d’outrageants et humiliants à son encontre, et dénotant, selon l’employeur, «une volonté manifeste d’insubordination de nature à détruire l’autorité de l’employeur ainsi que la relation de confiance » entre les parties, étant donné encore que le bourgmestre figurait parmi les « amis » (au sens donné par le réseau social Facebook) du salarié. Le salarié, quant à lui, niait être l’auteur des propos litigieux, affirmant que n’importe qui aurait pu créer et alimenter un compte Facebook à sa place.

Le tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette, dans son jugement du 15 novembre 2011, énonce le principe jurisprudentiel selon lequel « un fait de la vie personnelle ou privée du salarié, tel qu’en l’espèce, ne peut en principe pas justifier un licenciement, la “vie personnelle” étant définie comme “l’ensemble des actes, paroles ou comportements du salarié qui sont sans rapport avec l’exécution du contrat de travail” ou avec la vie de l’entreprise ».

Cependant, le tribunal rappelle également les exceptions à ce principe : le licenciement par l’employeur peut être justifié « si ce fait personnel révèle un manquement du salarié à l’obligation de loyauté ou si son comportement, “compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé” au sein de cette dernière » (jugement du 15 novembre 2011 précité).

Dans l’affaire dont il est saisi, le tribunal décide que les propos tenus sur le compte Facebook du salarié concerné ne sont visibles que par un groupe restreint d’utilisateurs et que, étant également tenu compte des autres propos tenus par le salarié sur son compte Facebook, l’employeur ne démontre ni le trouble caractérisé au sein de l’entreprise, ni l’insubordination manifeste à l’égard de l’employeur : le licenciement est par conséquent abusif.

Etant donné que le salarié avait été licencié avec préavis de 6 mois, le tribunal a estimé que le salarié n’avait pas subi de préjudice matériel. Le tribunal a par ailleurs alloué à l’ancien salarié une indemnité de 2.500 EUR pour préjudice moral.

Sanctions pénales

Il est souvent fait mention, à titre de défense concernant des propos tenus sur Facebook, de la possibilité pour n’importe quel tiers de créer une fausse identité ou de s’emparer de celle d’autrui, et de faire, en ce nom usurpé, toutes sortes de commentaires aussi incontrôlables que répréhensibles.

Si l’argument peut parfois sembler de mauvaise foi, il n’en reste pas moins valable dans certains cas: la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a eu l’occasion de le sanctionner à plusieurs reprises récemment.

Un amoureux évincé a réagi en s’introduisant frauduleusement sur la messagerie Hotmail et les comptes Facebook et MySpace de son ex-amie, en changeant ses mots de passe et en envoyant des messages insultants à tous les contacts de cette dernière.

Des perquisitions auprès de l’Entreprise des Postes et Télécommunications et de Luxembourg Online S.A. ont permis d’identifier les adresses IP à l’origine des messages et leur détenteur, qui est passé aux aveux.

Le tribunal d’arrondissement, dans son jugement du 3 mars 2011, a condamné le jaloux intempestif à une simple amende de 1.250 EUR, « notamment au vu de ses aveux complets tout au long de la procédure ».

Un autre a, quant à lui, été condamné à 6 mois de prison avec sursis, et amende de 1.500 EUR (tribunal d’arrondissement, chambre correctionnelle, jugement du 5 avril 2011).

Dans les deux affaires, le tribunal a rappelé les peines encourues pour ce type d’infraction :

« celui qui aura intentionnellement et au mépris des droits d’autrui, directement ou indirectement, introduit des données dans un système de traitement ou de transmission automatisé, ou supprimé ou modifié les données qu’il contient ou leurs modes de traitement ou de transmission », par exemple en s’introduisant sur le réseau social ou la messagerie d’autrui, est passible d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une d’amende de 1.250 EUR à 12.500 EUR (art. 509-3 Code pénal).

 

 



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